Dermochelys coriacea.

Nom vulgaire: Tortue luth

Espèce: Dermochelys coriacea

Sous-espèce: Aucune

Répartition: Côtes

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La Tortue luth (Dermochelys coriacea), unique représentant du genre Dermochelys, est une espèce de tortue de la famille des Dermochelyidae. C'est la plus grande des sept espèces actuelles de tortues marines, la plus grande des tortues de manière générale, et le quatrième plus grand reptile après trois crocodiliens. Elle ne possède pas d'écailles kératinisées sur sa carapace, mais une peau sur des os dermiques. C'est le seul représentant contemporain de la famille des Dermochelyidae, le clade des tortues à dos cuirassé, connu aussi par diverses espèces fossiles, dont certaines géantes comme l'Archelon. La Tortue luth fréquente tous les océans de la planète, mais sa survie est gravement menacée par le braconnage, les filets de pêche, la pollution et l'urbanisation du littoral. Elle figure sur la liste de l'UICN des espèces en voie de disparition et fait l'objet de conventions et de programmes internationaux de protection et de conservation.

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Description.

L’anatomie particulière de la tortue luth caractérise la famille des Dermochelyidae dont toutes les autres espèces ont disparu depuis l’ère tertiaire. Le trait le plus remarquable est l’absence visible de carapace avec des écailles kératinisées comme chez la plupart des autres tortues. Chez la tortue luth, la structure osseuse de la carapace est réduite à de petits osselets en forme d'étoiles imbriquées, insérées dans un tissu conjonctif et cartilagineux épais. Les plus gros de ces osselets sont tuberculés et disposés en lignes. Ces lignes, visibles sous la peau, forment des crêtes ondulées appelées carènes qui filent de la tête vers la queue de l'animal lui donnant un aspect profilé comme les carènes de la coque d'un bateau. Le dos de l’animal présente sept carènes : celle du milieu est la « carène vertébrale », les six autres sont les « carènes latérales ». Sur le ventre, le plastron ne possède que trois carènes peu marquées. Cette carapace profondément transformée n’est pas attachée, fait unique chez les espèces de tortues encore vivantes, à la colonne vertébrale et aux côtes mais en est séparée par une couche adipeuse. Du côté externe elle est complètement dépourvue de toute couverture d’écailles. La protection du dos est en revanche assurée par un épaississement marqué de la peau, qui forme ainsi une pseudo-carapace lisse ayant l'aspect du cuir. La tortue luth pèse en moyenne 500 kg pour une longueur d'environ 180 cm. Comme les autres tortues marines, la tortue luth est incapable de se replier à l'intérieur de sa carapace. Mais c'est aussi une tortue unique par bien des aspects : Ses nageoires (ou rames) sont dépourvues de griffes ; ses nageoires antérieures sont en outre très longues en comparaison de celles des autres tortues de mer. La tête est très grande, ce qui contraste avec un museau peu développé. Sur le bec supérieur, on peut observer une pointe médiane très marquée entourée de deux grandes encoches. L'intérieur de la bouche est occupé par une multitude de cônes, utilisés aussi bien pour l'oxygénation que l'alimentation. Un large cou relie la tête aux épaules. La queue est de forme conique ; elle est rehaussée par une base épaisse et possède parfois un pli qui prolonge la carène vertébrale de la carapace. La couleur de la peau de l'animal est d'un bleu très foncé. Elle est brillante et lisse, ce qui lui donne l'aspect du cuir. Les carènes de la dossière sont soulignées par un éclaircissement de la peau. Tout son corps est parsemé de petits points blanchâtres. Le crâne de l'animal présente une tache, de couleur blanche à rosée, correspondant à un chanfrein. Cette tache a une configuration unique pour chacune des tortues luth, et les scientifiques pensent qu'elle pourrait servir à détecter la lumière ou à se repérer dans l'espace. Le plastron est rosé et plutôt sombre. La carène de la queue, quand elle existe, est également blanchâtre. Une tortue luth peut a priori vivre plus de 50 ans. La tortue luth est une excellente plongeuse puisque des scientifiques ont relevé plusieurs observations de tortues luth jusqu'à 1 300 m de profondeur pour des plongées de 4 938 s (soit plus de 80 min). Adulte, elle mesure jusqu'à 2 m de long pour un poids variant de 450 kg à un record observé de 950 kg. Elle est ainsi la plus grande et la plus lourde des tortues vivantes. Elle fut cependant surpassée par des espèces anciennes, connues à l'état de fossiles, notamment l'archelon (Archelon ischyros). Elle est cependant moins longue et moins lourde que le crocodile marin (Crocodylus porosus). Avec un rythme métabolique trois fois supérieur à un reptile de cette dimension et l'isolation fournie par son corps massif et gras, la tortue luth peut supporter des eaux froides. La température de son corps peut dépasser de 18 °C celle de l'eau où elle évolue. Ses nageoires l'aident également à conserver la chaleur. Elles fonctionnent comme des échangeurs de chaleur à contre-courant, c'est-à-dire que les artères chaudes réchauffent les veines froides. Allié à sa carapace résistante à de fortes pression, cela lui permet de plonger à plus de 1 200 m de profondeur, ce qui en fait le reptile pouvant plonger le plus profondément. Selon certaines théories, sa pseudo-carapace pourrait créer sa propre chaleur. Mais cette hypothèse est discutée, du fait que les reptiles, animaux à sang froid, sont censés être poïkilothermes.

Éthologie.

Les modes de vie de la tortue luth sont mal connus par les scientifiques, en raison des difficultés d'observation de l'animal en pleine mer, dans les profondeurs. Par exemple, ni sa durée de vie ni le temps qu’il lui faut pour atteindre la maturité sexuelle ne sont connus à l'heure actuelle. Cette espèce parcourt plusieurs milliers de kilomètres lors de ses voyages transocéaniques pour rejoindre ses aires d'alimentation en méduses. Elles progressent en s'orientant à l'aide du champ magnétique terrestre. Elles quittent chaque année les eaux tropicales pour les eaux polaires en suivant le Gulf Stream. La tortue luth peut rester jusqu'à quatre-vingt minutes en plongée, en partie grâce à l'extraction de l'oxygène de l'eau à l'aide de longues papilles situées dans sa gorge et à la récupération d'oxygène dissous dans certains de ses tissus. La méduse constitue la majeure partie de l'alimentation de la tortue luth, mais elle peut également se nourrir de salpes, de poissons, de crustacés, de calmars, d'oursins et même de certains végétaux, dont des algues (surtout consommées par les jeunes spécimens). Elle peut consommer quotidiennement une quantité de méduses égale à son propre poids, soit jusqu’à 50 individus de grande méduse Rhizostoma pulmo. La tortue luth a donc un rôle crucial dans l'équilibre écologique mais aussi économique du fait de son alimentation. En effet, en consommant des méduses, elle réduit leur nombre et ces dernières consomment donc moins de poisson, ce qui laisse de nouvelles opportunités pour les pêcheurs. Elle aurait une influence positive sur les populations de poissons, les méduses étant d'importants prédateurs d'alevins. Les tortues n'ayant pas de dents et les méduses étant difficiles à déchiqueter, les scientifiques se sont demandé comment les tortues luth pouvaient s'alimenter avec ces animaux. On a découvert que l'œsophage de la tortue luth, tapissé d'épines, avait pour fonction le dépeçage des proies. Plusieurs études de suivi par satellite pour connaitre leur migration ont été effectuées notamment par le CNRS et l'Institut polaire français - Paul Émile Victor qui ont équipé des tortues luth de balises Argos.

Reproduction.

Comme les tortues luth ne s'approchent des côtes que pour pondre et préfèrent les grands fonds, elles sont qualifiées de pélagiques. La maturité sexuelle de l'animal n'est pas bien définie, mais selon certains scientifiques elle pourrait être atteinte vers l'âge de 6 ans ; pour d'autres, elle se situe entre 10 et 12 ans. Les jeunes spécimens sont très difficilement observables et aucun élevage en captivité n'a pu être réussi. En effet, les tortues luth ne peuvent nager à reculons, et en aquarium se heurtent donc sans cesse contre les parois. De plus les mâles ne retournent jamais sur leur lieu de naissance ce qui empêche un décompte de leur population. L'accouplement est également très délicat à observer, aucun scientifique n'en a eu l'occasion, on ignore même où il a lieu dans la majorité des cas. Il est admis, à partir de différents témoignages, que le mâle s'accroche au dos de la femelle avec ses nageoires souples. En cas d'alerte, l'accouplement s'arrête et les tortues se séparent, ce qui expliquerait aussi, en partie, les difficultés d'observation précédemment relevées. Une seule fécondation pourrait suffire à 4 à 10 pontes. Le record observé par des scientifiques est de 17 pontes. Elles sont toujours espacées de 10 à 15 jours. Elles se déroulent de mars à juillet dans l'océan Atlantique et de septembre à mars dans l'océan Pacifique. Elles ont souvent lieu sur les plages, à marée haute, de nuit. La nidification se déroule en 7 phases : L'ascension : la femelle rejoint le haut de la plage, à la lisière de la végétation, en 10 minutes environ. Le balayage : elle déblaie le sable avec ses pattes pendant un quart d'heure. Le creusement : elle creuse un trou jusqu'à 80 cm de profondeur avec ses pattes arrière ; l'opération prend environ 25 minutes. La ponte : cette étape est accompagnée de respirations rauques et s'effectue par salves ; elle dure une vingtaine de minutes ; la présence de l'homme ne peut plus la perturber ; les yeux de l'animal sécrètent une substance gélatineuse, a priori, pour évacuer le sel accumulé par son organisme à cause de son mode d'alimentation. Le rebouchage : les pattes postérieures ramènent le sable sur les œufs et les nageoires postérieures le tassent pendant une petite dizaine de minutes. Le camouflage : pendant 20 minutes, la tortue pivote sur elle-même pour cacher les traces de son passage. Le retour à l'eau : parfois direct, parfois indirect, la tortue luth peut effectuer des boucles avant son départ. Une tortue luth peut pondre plus de 1 000 œufs en une année. Ils sont de couleur blanche, mesurent environ 50 mm de diamètre et possèdent une membrane souple. Ils sont accompagnés d'œufs stériles sans jaune, de diamètre inférieur aux œufs viables. Les scientifiques ne s'accordent pas à comprendre leur utilité dans le nid même s'ils représentent presque la moitié de la ponte. L'incubation varie de 60 à 70 jours et a lieu à plus de 26 °C. En dessous de cette température, les œufs ne se développent pas. La détermination sexuelle dépend de la chaleur du nid. Entre 26 et 30 °C, c'est l'incubation classique, produisant un mélange de mâles et femelles. Au-dessus de 30 °C, les tortues ne seront que des femelles. À l'éclosion, le spécimen mesure de 7 à 8 centimètres de longueur. Il possède des nageoires antérieures surdimensionnées. Il est alors une proie facile pour de nombreux prédateurs. Le premier instinct de la tortue luth est de se diriger vers le point le plus brillant à l'horizon : la mer (qui reflète les rayons solaires), où de nouveaux dangers l'attendent et où les scientifiques perdent sa trace.

Distribution et lieux de ponte.

La tortue luth est observable dans tous les océans du monde, sous des latitudes observées à plus de 60° au nord c'est-à-dire jusqu'au cercle polaire arctique. Des études précises sont effectuées pour connaître précisément leurs migrations. Comme la plupart des tortues marines, elle ne s'aventure sur la terre ferme que pour pondre ses œufs. De nombreux lieux de ponte autrefois fréquentés par les tortues luth ne le sont presque plus ou plus du tout, comme la Sicile, la Turquie, la Libye ou Israël. Si la morphologie ou les couleurs des tortues luth ne permet pas de les différencier selon leurs groupes régionaux, des analyses ADN marquent des différences entre celles du Pacifique-ouest, du Pacifique-est et de l'Atlantique.

Menaces anthropiques.

Il ne resterait plus que 100 000 tortues luth environ dans le monde. Et comme de nombreuses populations de tortues luth sont en net déclin depuis plusieurs années et que le nombre de lieux de ponte a beaucoup diminué, la tortue luth est inscrite sur la liste rouge de l'UICN comme en « danger critique d'extinction ». Les activités humaines sont responsables du fait que la tortue luth soit une espèce en danger de disparition. La première cause est la pollution des eaux. La tortue luth confond les sacs en polyéthylène rejetés dans la mer avec des méduses, les mange et ne peut les régurgiter, ce qui leur provoque une occlusion gastrique ou intestinale. C'est la plus grande cause de mortalité de l'animal. Un autre facteur est la multiplication des filets de pêche qui piègent sous l'eau les tortues et provoquent leur mort par noyade. En effet, la tortue luth, étant incapable de nager à reculons, ne peut s'en libérer. On peut ajouter la réduction de son espace disponible, notamment la perturbation des lieux de ponte par les constructions littorales, par exemple. Enfin, la prédation humaine, en elle-même, est traditionnellement faible car la chair de l'animal n'est pas considérée comme comestible. Même si cela prête à controverse, il semblerait que la tortue luth soit l'une des deux tortues dont la chair est toxique. Elle contiendrait de la chelonitoxine et les symptômes liés à sa consommation vont de la nausée ou du vomissement jusqu'au coma voire à la mort. Pourtant, la prédation a tout de même augmenté puisque les œufs de l'animal, déjà utilisés traditionnellement dans l'alimentation des Kali'nas ou des Indonésiens, sont devenus la cible de nombreux braconniers. En effet, les œufs de tortue luth sont considérés comme aphrodisiaques au Mexique. La chasse de l'animal en lui-même est parfois même constatée. Au Togo, notamment, des féticheurs réduisent la carapace de l'animal en poudre, la mêlent à du miel et s'en servent comme remède contre les syncopes infantiles. La graisse est utilisée contre les rhumatismes. Les carapaces, par ailleurs, sont aussi parfois utilisées dans l'art traditionnel local (une centaine d'entre elles est exposée au Musée de Géologie de l’Université de Togo). Dans certains pays, les femelles sont tuées et leur peau est transformée en bijoux et autres souvenirs touristiques.

Protection.

La tortue luth est une espèce protégée par de nombreuses conventions internationales, notamment par son inscription à l'annexe I de la CITES. En France, elle est intégralement protégée (vente ou chasse) depuis l'arrêté ministériel du 17 juillet 1991. Malgré cette législation, le comité français de l'UICN n'a pu que déclarer la tortue luth au statut DD faute de données sur sa présence sur le territoire français métropolitain. Au Canada, elle est désignée depuis 1981 comme espèce en voie de disparition à cause de son déclin mondial très important (supérieur à 70 % en quinze ans selon le COSEPAC). Son déclin au Canada serait majoritairement dû aux prises accidentelles dans la pêche commerciale. Au Québec, la tortue luth obtient un statut de protection dû à sa présence dans le Golfe du Saint-Laurent. Elle est désignée comme espèce menacée puisque le gouvernement corrobore son danger de disparition à l'échelle mondiale. Il s'avance, en plus, en disant qu'à son rythme d'extinction, l'espèce sera éteinte d'ici 20 ans. Aux États-Unis, le service de la faune et des poissons (United States Fish and Wildlife Service) désigne l'espèce comme en voie de disparition (endangered). Des mesures ont été prises pour mieux étudier l'animal et ainsi, le protéger, comme la mise en place de suivis par télémétrie et balises Argos. De plus, la plage où a lieu le plus grand nombre de ponte en Afrique, au Gabon, est officiellement protégée à la suite de la création du Parc national Mayumba. Le WWF propose quatre mesures principales de protection de la tortue luth : protéger les lieux de pontes en créant des zones protégées ; faire de la prévention près de ces lieux ; faire de la tortue luth un attrait touristique dans certaines régions ; limiter la présence de filets de pêche près de la côte. Parallèlement, des tentatives sont menées pour localiser les points de rencontre entre tortues luth et pêcheries pour réduire les prises accidentelles de l'animal dans les filets des pêcheurs. Les chercheurs ont identifié des points de regroupement importants des tortues et tentent de réduire l'activité de pêche dans ces endroits.

Tortue luth dans la culture.

La forme particulière de la carapace de la tortue luth a influencé l'art populaire de certaines civilisations. Ainsi, les indiens Seri, en Californie, pensent que le monde avait commencé son développement sur le dos d'une tortue luth géante. Par coutume, ils peignent les squelettes des tortues luth retrouvées mortes. La tortue luth est un animal emblématique parmi les tortues marines et son image est souvent utilisée : Le timbre commémoratif français le plus vendu de 2002 est celui représentant la tortue luth (0,41 €) ; il s'est écoulé à 19,95 millions d'exemplaires. Il est émis dans le cadre de la série annuelle Nature de France et est dessiné par Christian Broutin. Elle fait une apparition dans le jeu vidéo Sea Life Park Empire (à débloquer) et dans l'add-on du jeu vidéo Zoo Tycoon 2: Marine Mania (elle fait partie des 20 nouveaux animaux ajoutés dans ce supplément, parmi lesquels il n'y a que deux tortues, l'autre étant la tortue verte).

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Source :
https://fr.wikipedia.org/wiki/Tortue_luth